ANNECDOTES }Malgré sa petite stature, et contrairement à ce que peut laisser penser son visage d’ange, Nausicaa est ceinture noire en karaté. Sa mère, se souciant de la sécurité de sa fille, a décidé de lui faire suivre des cours d’arts martiaux. Les années ont passées, les ceintures se sont succédées et Nausicaa est maintenant une pro de cet art martial. Il faut dire que ça l’a également aidé au niveau de la concentration, elle qui était distraite pour un rien, voilà qu’elle peut travailler sur un même rapport pendant deux heures sans ressentir le besoin de regarder tout autour pour voir si quelque chose d’intéressant est en train de se produire et sans non plus partir dans ses rêveries. ≈ Elle est une grande sportive et, en plus du karaté et du cheerleading, Nausicaa passe au moins deux fois par semaine au gymnase de l'université pour faire une petite séance d'entrainement. C'est pour elle une bonne façon de gérer le stress - elle qui souffre d'un trouble d'anxiété diagnostiqué. C'est son médicament, en quelque sorte. ≈ Elle déteste les hopitaux et fait tout pour les éviter. La seule fois ou elle en a visité un, c'était parce qu'elle s'est cassée la jambe. ≈ Elle est pesca-végétarienne ce qui signifie qu'elle ne mange pas de viande, avec seule exception du poisson. ≈ Elle déteste la crème glacée à la vanille. Elle trouve ça fade et préfère de loin celle au chocolat. La seule exception pour qu'elle mange de la crème glacée à la vanille, c'est si elle est accompagnée de bonbons vermicelles. ≈ Fiille unique, elle a toujours rêvé d'avoir un frère ou une soeur. ≈ Elle refuse de porter des bikini et, lorsqu'elle fait des compétitions de cheerleading, elle cammouffle la cicatrice sur son ventre avec du maquillage. Elle est très complexée. ≈ Elle adore les fleurs, les pâquerettes étant ses préférées. ≈ elle possède encore un téléphone flip parce que les iPhones coutent trop cher et puis, elle est très maladroite. Du coup, elle risquerait de l'échapper 5 minutes après qu'il soit en sa possession. Elle préfère quelque chose de plus résistant. Et elle défie quiconque de la battre à un concours de qui envoie un message texte le plus rapidement. ≈ Elle a un tatouage au poignet, une flèche qui fait le tour et qui revient à son point de départ. Elle a également une pâquerette de tatouée sur sa nuque et le haut de son dos. ≈
Nausicaa Briseis Gladwyn veux-tu m’épouser. La jeune femme se retourna, une assiette en main, lorsqu’elle entendit son nom et l’aperçu là, à genoux devant elle, tenant une petite boite de velours dans ses mains. Une fraction de seconde plus tard, alors que ses yeux se posent sur la bague qui est posée là, sur l’écrin de velours, elle échappe l’assiette qui s’écrase au sol dans un bruit fracassant. Elle ne s’attendait pas à ça. Pas maintenant. C’est vrai, ils étaient en couple depuis cinq ans maintenant. C’était ce couple, celui que l’on voyait être ensemble pendant des dizaines d’années. Dans l’album de fin d’année, on s’était même amusé à ajouter une photo d’eux, le visage vieilli, histoire de voir de quoi ils auraient l’air dans cinquante ans. Et pourtant, Nausicaa, elle, à cet instant, sembla douter de l’amour qu’elle portait pour lui. Cinq ans qu’ils avaient passés ensemble et elle ne s’était jamais imaginée dans d’autres bras que les siens. Elle ne rêvait de personne d’autre que lui – quoi que Ryan Gosling était l’exception parce que Ryan Gosling. Elle était amoureuse. Ça, elle n’en doutait pas en fait. Ce dont elle était moins certaine, c’était de vouloir rester avec lui jusqu’à ce que la mort les sépare. Parce que si elle disait oui, c’était la promesse qu’ils se faisaient. Au cours de la prochaine année, elle devrait se trouver une robe blanche. Elle vivrait le rêve de dizaines de petites filles – et de filles de son âge d’ailleurs – et descendrait l’allée pour rejoindre son prince charmant. Elle n’avait pas encore répondu qu’elle pouvait déjà s’imaginer marchant au bras de son beau-père, se prenant les pieds dans sa robe à une ou deux reprises, avoir l’air de la pire des maladroites à ne pas savoir marcher en talons parce que ce n’était définitivement pas sa force et l’audience rirait sans aucun doute de sa maladresse. Ce serait même très possiblement croqué sur le vif. Sa mère pleurerait sans doute comme une madeleine, son beau-père lui répèterait qu’il ne pleurait pas pendant la cérémonie, mais que c’était plutôt un grain de poussière qu’il avait dans l’œil. Ses trois frères aviseraient sans doute le futur mari qu’il devait bien se tenir et traiter Nausicaa comme la princesse, la reine qu’elle était. Parce que personne ne lui faisait mal ou ils avaient affaire à eux. Un trio de colosses. Sa réflexion ne dura qu’une fraction, qui sembla pourtant avoir duré quelques minutes à en croire l’expression sur le visage du jeune homme agenouillé. L’attente était sans doute insupportable, compréhensible. Un large sourire fendit son visage alors qu’elle prenait pleinement conscience de ce qui se passait.
Oui. Finit-elle par dire entre deux sanglots. Les larmes avaient franchi la barrière de ses paupières sans qu’elle ne s’en rende compte.
Oui? Il semblait presque surpris de la réponse. Elle hocha la tête frénétiquement alors qu’il glissa la bague à son doigt. Elle le regarda, toujours incapable de croire ce qui était en train de se produire. Il se leva et, sans attendre une seconde, elle l’attira à elle et posa ses lèvres sur les siennes, ses bras entourant son cou.
Je t’aime. Murmura-t-elle avant de blottir sa tête au creux de son cou.
Je t’aime aussi. Il la serra contre lui un peu plus, ses mains à elle glissèrent dans ses cheveux et le baiser devint un peu plus passionné. Elle vit alors les éclats de porcelaine et, à contrecœur, se recula.
Il faudrait que je … Il posa un baiser au creux de son cou.
Ramasse. Tout. Ça. Elle ferma les yeux.
Ça peut attendre. Elle acquiesça avant de capturer à nouveau ses lèvres. Les secondes passaient, mais leurs lèvres restaient scellées. Elle fit un pas vers l’arrière et le bas de son dos s’appuya contre le comptoir. Il la souleva et elle se retrouva rapidement assise sur le comptoir sans se soucier de l’eau qu’il pouvait y avoir, avant d’entourer sa taille de ses jambes. Les doigts de Nausicaa glissaient dans ses cheveux tandis que celles de son fiancé se glissèrent sous son t-shirt, caressant sa peau avec douceur et envie. Il détacha ses lèvres des siennes seulement pour les poser contre son cou tandis que la jeune femme poussa un soupire. Elle le laissa faire tandis qu’il mordillait sa peau, fermant les yeux et appréciant le moment, ce contact, mais seulement pour un court moment puisqu’elle captura à nouveau ses lèvres. Leur échange devenant de plus en plus passionné, il décida de la transporter à l’étage, là ou ils seraient certainement mieux pour célébrer.
Je pars pour la Californie. La nouvelle avait eu l’effet d’une bombe. De sa voix cristalline, elle avait fait se stopper le temps. Pendant une fraction, ce fut comme si la terre avait cessé de tourner. Sa mère s’arrêta de manger, laissant sa fourchette tomber dans son assiette, des morceaux de nourriture volant un peu partout sur la table, une véritable pagaille. Son beau-beau- daigna finalement lever les yeux de son journal, lui qui prenait, entre deux paragraphes, une bouchée du repas préparé avec soin par sa femme.
Tu pars avec lui? Il ne semblait pas être en colère, ni même surpris. Il semblait plutôt résigné, comme s’il ne faisait que constater les faits. Sa petite fille, celle à qui il avait appris à faire de la bicyclette, à qui il avait montré à jouer au baseball et au football, qu’il avait introduit aux classiques musicaux anglais, était grande. Elle n’avait plus besoin de lui. Et malgré son air stoïque, malgré qu’il avait sans doute l’air froid et distant à lui parler ainsi, il ressentait ce petit pincement au cœur, celui que les parents ressentent lorsque leur enfant quitte le nid. Il avait mal, refusait de la voir grandir. Il voulait qu’elle reste à tout jamais sa petite fille, qu’elle ait à tout jamais cinq ans, cet âge ou elle était curieuse comme pas deux, mais avait encore besoin de lui pour le découvrir, ce monde qui s’offrait à elle.
Oui. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Nausicaa en pensant simplement au fait qu’elle allait vivre avec lui, tandis que du côté de ses parents, leurs cœurs se serraient à l’idée de la voir partir aussi loin d’eux. Elle allait étudier sous le soleil chaud de la côte ouest. Elle avait réussi à obtenir une bourse qui lui permettrait de poursuivre ses études dans une autre université, pour une année au moins. Tout comme lui, elle avait toujours eu ce désir d’explorer les États-Unis, de voir d’autres paysages et le sable fin des plages californiennes, le soleil quasi-constant, Coachella, le Comic Con de San Diego, le street art, tout ça l’avait toujours fait rêvé. Et puis, quel artiste n’aime pas la côte ouest? Elle savait, tout au fond d’elle, que c’était tout ce dont elle avait toujours rêvé. S’éloigner des parents ne serait sans doute pas chose facile, elle qui avait vécu jusqu’à ses dix-huit ans, dans la maison familiale et qui n’était jamais sorti de la ville, autre que pour rendre visite à de la famille. Elle faisait là un énorme saut. Elle avait pourtant totalement confiance en la relation qui la liait à son mari, convaincue que vivre ensemble, loin de leurs familles et de leurs amis ne pouvait que leur être bénéfiques. Passer la majeure partie de leur temps ensemble allait solidifier leur relation… du moins, c’était ce que Nausicaa croyait.
Un large sourire fendit son visage lorsque ses yeux se posèrent sur le petit bâtonnet qu’elle tenait dans ses mains. Les deux petites lignes étaient clairement visibles, signe qu’un petit être, fuit d’une union qu’elle croyait être solide comme le roc, grandissait dans son ventre. Elle ne pouvait pas laisser voir sa joie, pas maintenant, pas ici. Elle qui était de passage chez sa meilleure amie, elle devait l’apprendre au futur père avant toute chose. À l’instant où elle s’apprêtait à sortir de la pièce, elle se sentit nauséeuse. Une fois de plus. Pourquoi les qualifiait-on nausées matinales si elles arrivaient à tout heure du jour et de la nuit? Ça, elle ne l’avait pas compris. Peut-être que ça viendrait avec le temps, que les choses se placeraient, mais pour le moment, elle se concentrait simplement sur sa respiration pour éviter d’être malade. Depuis les deux derniers jours, elle se sentait bizarre, dans un drôle d’état et c’était d’ailleurs ce qui l’avait incité à faire ce test.
Tout va bien? Demanda Livia, en toquant contre la porte, sortant ainsi son amie de ses pensées.
Oui, oui. Non, ça n’allait peut-être pas si bien que ça finalement. Après avoir bu un verre d’eau, histoire de s’enlever ce gout amer dans la bouche, elle daigna finalement sortir de la pièce.
Tu es certaine que tout va bien? Elle hocha la tête, comme si ça allait la rassurer.
Oui, seulement un petit virus, rien d’inquiétant. Répondit-elle. Un petit virus, oui. Pour l’instant, ce n’était qu’un petit quelque chose invisible, mais qui savait pourtant bien faire sentir sa présence et qui, en l’espace de quelques mois, grandirait. Elle ne le réalisait pas encore. Elle allait devenir maman. Elle s’empara des quelques trucs qu’elle était venue chercher, fit la bise à la brunette et quitta la maison avant d’embarquer dans sa voiture. C’était sans doute très prématuré de sa part, mais Nausicaa ne put s’empêcher de penser à cet enfant qu’elle portait en elle. Aurait-elle un petit garçon? Une petite fille? Dans quelques mois, elle aurait un beau ventre tout rond. Dans neuf mois, il y aurait un bambin d’assis dans un siège sur la banquette arrière. Il faut le dire, Nausicaa avait toujours eu l’instinct maternel très développé. Certes, elle était la plus jeune de la maisonnée, mais elle était celle qui prenait soin de ses frères. Elle tenait toujours à s’assurer qu’ils allaient bien lorsqu’ils étaient plus jeunes. Certes, c’était plus souvent eux qui jouaient aux super héros avec elle, qui la sauvaient de situations impossibles, mais elle avait toujours veillé sur eux comme elle le pouvait. Et maintenant, elle allait devoir veiller sur un petit être qui était la moitié de sa personne, de son ADN. Un petit humain qui allait posséder ses traits, partager ses manies et à qui elle serait liée à vie, pour le meilleur et pour le pire. C’était presque comme un mariage, au fond. Une fois arrivé à son appartement, elle se gara avant de sortir du véhicule. Elle arriva devant la porte de l’appartement qu’elle partageait avec celui qui était désormais son mari et posa les plats qu’elle avait dans les mains au sol avant d’ouvrir la porte. Ce qui suivit laissa Nausicaa sans voix, même qu’elle alla jusqu’à échapper les plats qu’elle tenait. Pourtant, le bruit qu’ils firent ne sembla pas déranger les deux amants, en pleins ébats sur le divan. La jeune femme ramassa les plats, les posa sur le comptoir avant de claquer violemment la porte pour leur laisser savoir qu’elle était là, qu’elle était de retour.
Je dérange peut-être? Sa voix était calme, mais à l’intérieur, elle était un volcan prêt à exploser à la moindre seconde.
Nausicaa? L’homme parla en premier. Elle s’avança et ramassa les vêtements de la femme, son amie de toujours, celle qu’elle considérait comme une sœur.
J’arrive trop tôt? Elle lança ses vêtements à la brunette qui tentait de cacher tant bien que mal son corps.
Habille toi et sors d’ici. Son ton était maintenant glacial. Elle qui avait pourtant toujours été si douce et gentille, la voilà qui dévoilait une autre facette de sa personnalité.
Et toi, tu me dégoutes. Elle cracha presque ces mots – et lui cracha presqu’au visage par la même occasion – tandis qu’il s’habillait. En fait, elle mourrait d’envie de lui cracher au visage. Ou de lui arracher le cœur, histoire qu’il comprenne la souffrance qu’elle ressentait en ce moment.
Ça dure depuis combien de temps? Il baissa les yeux, honteux. Et il avait bien raison de se sentir ainsi.
Trois mois. Elle avait à nouveau l’impression qu’elle allait être malade, mais cette fois-ci, elle savait que ce n’était pas les hormones. Non, c’était seulement l’image de sa meilleure amie nue contre son mari tout aussi nu qu’elle, qui lui donnait la nausée.
Sors d’ici. Il osa finalement poser les yeux sur sa femme… ou étaient-ils maintenant ex-maris?
Nausicaa. Son visage était stoïque, lui laissant savoir qu’elle n’était pas encline à discuter. Le trémolo dans sa voix ne l’affecta même pas. Sa plainte ne lui fit absolument rien. Elle ne ressentait plus rien en fait. Elle était comme vide. [color-indianred]Sors d’ici.[/color] Répéta-t-elle, maintenant bouillante à l’intérieur. Il avait intérêt à coopérer sinon elle n’hésiterait pas une seule seconde à le renvoyer elle-même. Elle était peut-être petite, mais il ne faut jamais sous-estimé une femme en colère. Une fois qu’il eut passé le pas de la porte, elle ramassa tous ses effets personnels et les mis dans un grand sac poubelle qu’elle laissa sur le pas de la porte. Il n’aurait qu’à venir les chercher, sinon ils se retrouveraient aux poubelles avec les sept années passées. Ils ne seraient plus qu’un souvenir.
Les larmes coulaient sur le visage de Nausicaa.
Maman. La femme serra sa fille dans ses bras.
Oh, mon ange. Elle se sentait toute petite, Nausicaa, comme lorsqu’elle avait cinq ans et qu’elle avait peur. Sa mère la prenait dans ses bras et la consolait comme elle le faisait maintenant. Difficile de croire qu’elle venait tout juste d’atteindre le cap des vingt-deux ans en la regardant, mais elle était terrifiée.
Il n’est pas trop tard pour tout annuler. Cette réplique fit soupirer Nausicaa. Depuis deux semaines qu’elle y pensait. Depuis qu’elle avait pris ce rendez-vous en fait. Depuis qu’elle avait du se résigner et accepter le fait qu’elle ne serait pas mère, pas maintenant. Qu’elle était à nouveau seule. Qu’elle ne connaitrait pas les joies de voir un enfant, son enfant, grandir, s’épanouir comme elle l’avait fait. Elle était sans doute trop jeune pour être mère, à vingt-deux ans, mais elle se sentait prête… Si seulement il y avait eu quelqu’un à ses côtés. S’il n’avait pas fait la pire connerie de sa vie. Si seulement il l’avait aimé. Mais se reposer sur des suppositions ne servait à rien, si ce n’était que de remuer le couteau dans la plaie. À croire qu’elle était un brin masochiste. Non, c’était sans doute mieux ainsi. Parce que depuis qu’il était parti – ou plutôt depuis qu’elle l’avait renvoyé – elle s’était mise à se demander s’ils avaient, à un moment, réellement été heureux ou si elle avait réussi à se mentir, à se voiler la face tout ce temps. C’était impossible, qu’elle se disait, d’avoir passé six ans de leur vie ensemble, d’avoir cohabiter pendant autant d’années et de ne jamais avoir été heureux ne serait-ce qu’une toute petite journée.
J’ai peur. Confia finalement Nausicaa à sa mère, qui poussa un léger soupire avant de resserrer son étreinte autour du corps de sa fille.
C’est normal d’avoir peur, mais tu n’as pas à t’inquiéter. Tout ira bien. Nausicaa ferma les yeux lorsqu’elle sentit les lèvres de sa mère se poser sur son front. On appela son nom et la jeune femme se leva à contrecoeur. Elle jeta un dernier coup d’œil à sa mère et suivit l’infirmière qui la conduisit à une chambre. Allongée sur ce lit, elle pensa alors à tout ce qu’elle n’aurait pas l’occasion de vivre, tout ce qu’elle sacrifiait. Une vie. Pour se raisonner, elle tenta de se rappeler les raisons qui l’avaient poussée à faire ce choix au départ. Elle voulait offrir à son enfant les meilleures conditions possibles. Elle voulait qu’il puisse s’épanouir et vivre une vie aussi agréable et belle que celle qu’elle avait eu la chance de vivre. Elle ne voulait pas que son enfant grandisse en ne connaissant pas son père. D’ailleurs, elle ne savait même pas ou il était rendu. Il faut dire que ça ne l’intéressait pas plus que ça. Pas du tout même. Il avait fait ses choix, elle avait fait les siens. Depuis toujours, pour elle, une famille était composée de deux parents, qu’ils soient hommes ou femmes, qui aiment un enfant et qui sont prêts à tout pour lui. Si seulement un des deux était prêt à s’impliquer, ça ne pouvait pas fonctionner. Du moins, c’était ainsi qu’elle voyait les choses. Et puis, vingt-deux ans, ce n’était peut-être pas l’âge idéal pour avoir un enfant après tout. Une larme coula sur son visage et elle se laissa emporter dans les bras de Morphée.
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, quelques heures plus tard, elle le ressentit immédiatement ce vide. Elle pouvait sentir que le petit être n’était plus là, qu’on lui avait enlevé une partie d’elle-même. Une vague d’émotion la submergea et les larmes ne tardèrent pas à couler le long de ses joues pour s’échouer sur le matelas sur lequel elle reposait. Elle se recroquevilla et tourna le dos à la porte. Elle ne voudrait pas qu’on la voie dans un tel état. Elle entendait les bruits de pas dans le couloir et elle se disait qu’on viendrait sans doute vérifier son état, s’assurer que l’opération s’était bien passée, qu’il n’y avait pas de complication. La porte s’ouvrit et se referma aussitôt.
Mademoiselle Gladwyn? La voix de la femme était douce et apaisante. Nausicaa s’autorisa à tourner la tête, à la regarder.
Je suis désolée. La femme vint s’assoir sur une chaise à côté du lit.
Vous m’autorisez à faire une petite vérification avant de vous laisser partir? Je veux seulement m’assurer que votre corps a bien réagi à l’opération. Sans prononcer un seul mot, elle n’en était pas capable, la jeune adulte hocha la tête et laissa l’infirmière faire son boulot. Elle ferma à nouveau les yeux, pour quelques minutes seulement avant que la dame lui annonce qu’elle avait terminé.
J’ai posé vos vêtements sur la chaise. Déclara-t-elle en pointant un petit paquet contenant les vêtements qu’elle portait à son arrivée.
Merci. Fut tout ce que Nausicaa put dire. De toute façon, une telle situation n’exigeait que peu de mots. Elle troqua son affreux vêtement bleu pour ses vêtements beaucoup plus confortables et quitta finalement la chambre pour aller retrouver sa mère qui l’attendait.
Allez, on rentre à la maison. Se contenta-t-elle de dire. Elle était heureuse qu’elle ne lui ait pas demandé comment ça allait parce qu’il était certain qu’elle aurait fondu en larmes. Elle faisait tout en son pouvoir, en fait, pour les retenir. Elle les laisserait sans doute couler une fois enfermée dans sa chambre, à l’abri des regards. Parce que Nausicaa, elle déteste qu’on la voie pleurer. Pour la première fois depuis son retour à New-York, elle se réjouissait d’être à la maison. Certes, elle aurait bien aimé compté sur la présence et le support moral de Livia, mais les deux milles kilomètres qui les séparaient rendaient la chose difficile. Et puis, il aurait été totalement absurde de la part de Nausicaa de demander à son amie de tout abandonner et de venir à New-York avec elle. Non, c’était une épreuve que ‘mila devait traverser grâce à l’aide de sa famille et des quelques amis qu’elle avait ici.
À qui parlais-tu? Demanda sa mère après que Nausicaa eut fermé sa session Skype.
À papa. Enfin, mon père biologique. Parce que son beau-père, elle l’appelait également papa. Il faut dire qu’elle avait passé une majorité de sa vie en sa compagnie.
Tu le cherchais? Elle hocha la tête. Elle ne voulait pas que sa mère le sache parce qu’elle craignait sa réaction. C’était sans doute le seul secret qu’elle avait gardé.
Et ce que tu as trouvé t’as plu? Un petit sourire se dessina sur son visage. Pourquoi se sentait-elle coupable d’être heureuse d’avoir retrouvé son père biologique? Peut-être parce qu’elle avait vu sa mère, étant gamine, pleurer son départ. Parce qu’elle avait vu sa mère accepter un deuxième boulot pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Parce que sa mère lui avait répété bien des fois que son père était un lâche et qu’il l’avait abandonné. Maintenant, étrangement, elle pouvait comprendre, elle qui avait choisi d’avorté. Parce qu’elle avait eu le choix et qu’elle avait pris cette décision. Lui ne semblait pas vraiment avoir eu son mot à dire quant au fait de devenir père. Elle comprenait les deux points de vue, celui de sa mère et de son père, et elle compatissait avec eux deux, mais elle avait la chance de retrouver son père, son vrai père, et de pouvoir apprendre à le connaitre, savoir sa version d’une histoire qu’elle avait entendu des dizaines de fois. Et pour cette raison, elle ne pouvait qu’être heureuse. Et puis, il l’avait introduit à de nouvelles bandes dessinées, ils avaient discuté sport – ce qu’elle ne faisait que très rarement avec sa mère qui n’était pas spécialement fan de sports – du coup, Nausicaa avait l’impression d’avoir trouvé la moitié qui manquait à sa vie.
Et je vais déménager chez lui. Elle eut l’impression que la mâchoire de sa mère allait décrocher.
Tu vas quoi? Demanda-t-elle, les yeux grands ouverts, visiblement surprise par cette annonce.
Je vais déménager chez lui. Répéta-t-elle.
Attends, tu vas aller vivre chez un homme que tu ne connais que depuis quoi, quelques heures? Et puis, il habite ou d’ailleurs? Nausicaa poussa un soupire et roula les yeux.
Il habite en Nouvelle-Zélande. Tu savais que c’est de là qu’il vient? Elle évitait de répondre à sa première questiion, certaine qu’elle n’aimerait pas la réponse.
Oui, je savais. Nous avons tout de même vécu une relation de cinq ans. Rétorqua la femme.
Et puis, pour ton information, je le connais depuis six mois. Oops, voilà, c’était sorti.
Tu quoi? Et tu n’as pas pensé m’en informer? Me dire que tu avais repris contact avec lui? Elle haussa les épaules.
Je savais que ça te mettrais en colère. Avoua la jeune femme.
Chaque fois que je te demande de me parler de lui, tu t’emportes alors j’ai pensé que si je te disais que j’avais pris contact avec lui, tu serais furieuse. Elle soupira.
Nina, je m’emporte parce que je suis en colère contre lui. Je lui en veux toujours de ne pas avoir été là. Et je trouve injuste que tu veuilles aller t’installer avec lui. Je vais faire quoi moi, ici, toute seule? On fait quoi de nous contre le monde? Elle vit des larmes perler aux coins des yeux de sa mère.
Maman, tu sais, je t’aimerai toujours et ce sera toujours nous contre le monde, mais je n’en peux plus de vivre ici. Tout me rappelle lui et du coup, ça me rappelle… Elle se stoppa. C’était la première fois qu’elle en parlait ou qu’elle en faisait mention depuis que c’était arrivé. Elle posa sa main sur son ventre et ferma les yeux.
Ça me rappelle que j’ai tué mon enfant. Non, elle ne devait pas pleurer. Sa mère la serra dans ses bras et Nausicaa laissa les larmes couler.
Pourquoi ne pas simplement déménager dans une autre ville, ou juste un autre état? Pas besoin de t’exiler aussi loin? Nausicaa sécha ses larmes.
Parce qu’au moins, lè-bas, je vais connaitre quelqu’un. Et puis, j’ai envie de connaitre mon père. C’est légitime, non? J’ai envie de découvrir par moi-même qui il est. Sa mère dut se résoudre à laisser partir sa fille. C’était encore plus difficile que lorsqu’elle lui avait annoncé son déménagement en Californie. Peut-être parce que, cette fois, elle partait seule vers l’inconnu. Parce qu’elle serait littéralement à l’autre bout du monde.
Oui, c’est légitime. Mais tu dois m’appeler ou m’écrire tous les jours d’accord? Nausicaa ne put s’empêcher de laisser échapper un léger rire avant d’acquiescer. C’était un bon compromis. Et puis, il était presque certain qu’elle voudrait parler à sa mère de toutes les découvertes qu’elle ferait une fois en sol néo-zélandais. Après tout, elle était sa meilleure amie.
Allez maman, ne me dis pas que tu vas pleurer? Lança Nausicaa avec un petit sourire histoire de détendre l’atmospère.
Tu vas me manquer… Enfin, nous manquer. Elle regarda son beau-père et ils échangèrent un regard complice avant qu’elle ne le pose ensuite sur sa mère.
Vous n’aurez qu’à venir me visiter. Ça vous fera des vacances du même coup. Toi qui n’a jamais rien fait pour toi et qui m’a toujours fait passé avant tout, tu pourrais prendre quelques jours pour toi en plus de visiter ta fille préférée. Tu es ma seule fille. La mère roula les yeux.
Mais il est vrai que ça pourrait être intéressant la Nouvelle-Zélande. Elle hocha les épaules et essuya ses larmes.
Bon, je dois vraiment y aller. Je vous aime et promis, je vous écris dàs que je suis installée. Elle étreignit ses parents avant de s’emparer de ses valises et de se diriger vers le poste de contrôle des bagages. Elle leur offrit un dernier sourire avant de s’aventurer plus loin dans l’aéroport. Plus le temps passa, plus elle sentit un nœud se former au creux de son estomac. Et si son père ne l’appréciait pas finalement? S’il avait déjà une vie, une copine et qu’elle ne pouvaient pas se supporter? S’il avait d’autres enfants et que ce serait la guerre entre eux? Toutes ces hypothèses se bousculèrent dans son esprit avant qu’une voix ne la ramène à l’ordre. L’embarquement pour son vol allait bientôt commencer. Une fois dans l’avion, elle s’installa confortablement dans son siège– enfin aussi confortablement que possible – et jeta un coup d’œil à travers le hublot. Malgré tout, New-York allait lui manquer. La vie, les gens, les lumières et l’activité constante, elle était certaine qu’elle ne retrouverait pas ça ailleurs. Rien ne se comparait à New-York. Puis, l’avion décolla et Nausicaa, admirative, contempla la ville qui devenait de plus en plus petite au fil de leur montée. Silencieusement, elle fit ses adieux à cette ville qui l’avait vu grandir, qui l’avait vu traverser les étapes les plus importantes de sa vie, celles qui l’avaient forgées, et ferma le panneau avant de fermer les yeux. Dans une vingtaine d’heures – et dux escales – elle poserait le pied sur sa nouvelle terre d’accueil.
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